Edito

© Marianne Grimont
Sonate d'automne - © Marianne Grimont

La nouvelle saison de la compagnie des bosons sera celle d'un temps de pause, un temps de recul, un temps pour prendre le temps de sentir. Huit créations en huit ans, le rythme a été soutenu. C'était l'enthousiasme du début, des découvertes, c'était le plaisir d'une intimité à explorer, dans le rapport au public et dans le jeu des acteurs, c'était aussi être porté par de grands auteurs (Pinter, Carrière, Reza, Sarraute, Léautaud, Schisgal, de Vos, Bergman). Ce fut l’occasion de formidables rencontres avec des comédiens, des scénographes, des créateurs lumière, des créateurs son, des compositeurs, des créateurs de costumes, de maquillages, de coiffures, des régisseurs, des cameramen et des preneurs de sons, des constructeurs, des photographes, des graphistes.

Mon questionnement aujourd'hui repose sur comment être plus utile. Plus utile à nos contemporains, au monde d’aujourd’hui tel qu'il est. Comment atteindre le public ? Comment le toucher sans intrusion ? Comment percer les boucliers sans entrer en guerre ? Comment donner du plaisir sans divertir (dans le sens de se détourner de soi)?

Comment atteindre d'autres publics aussi ? Les jeunes, universitaires, en formation professionnelle, en stage d’apprentissage, … ? Ou encore ceux que la culture ignore, souvent avec mépris, cette classe moyenne qui s'épuise dans un travail déshumanisant permettant à d'autres classes ce luxe formidable d'avoir du temps, du temps pour soi, pour ses enfants, pour réfléchir et se réfléchir au théâtre ou ailleurs ?

Je veux prendre du temps (merci de pouvoir le faire !) pour inscrire nos créations au cœur de ce monde d'aujourd'hui et tenter de les faire rayonner autrement que dans les dispositions classiques où le public muet assiste d'un côté de la salle à ce qui se passe de l'autre côté, sur l'inaccessible scène.

Bruno Emsens